Obsession nationale
Avant tout, remettons les pendules à l'heure! En gros, si vous ne me lisez pas des îles Marquises, de Nouvelle-Zélande ou de l'Est de l'Australie, j'aurai toujours sept heures d'avance sur vous en Europe, et même huit à partir de la fin du mois, car le Japon ne change jamais d'heure. Si vous êtes aux Etats-Unis, j'ai encore plus d'avance, + 13 heures par rapport à la Madricaine à Cincinatti et + 16 heures sur Valérie la Californienne. Hier jeudi (soit avant-hier mercredi pour elle!) La Madricaine a lu mon message à 21h 15 chez elle et il était déjà 10 h 15 , jeudi matin pour moi. Et les Européennes non sujettes aux insomnies dormaient du sommeil du juste car il était 3h15 du matin.
Je ne sais pas si vous avez tout compris, moi, en tout cas, il y a beaucoup de choses que je ne comprends pas au Japon. Ca n'a rien à voir avec la langue, que je ne comprends pas beaucoup plus, d'ailleurs, mais il ne se passe pas un jour sans que je m'interroge sur la raison d'être de tel ou tel objet, l'inexplicable absence de tel ou tel autre, ou le motif de tel ou tel comportement. Parmi les questions que je me pose, je pourrais citer, pêle mêle, pourquoi ne trouve-t-on pas d'enveloppes autocollantes ni de nappes en papier, pourquoi le croisement en bas de chez moi a-t-il des feux tricolores sur l'axe est-ouest mais pas sur l'axe sud-nord (oui, au début, ça surprend, surtout quand on est sur l'axe dépourvu de feux).
Et puis, aussi, comment font les voitures des étages du haut pour descendre?
C'est vrai ça, voici plus de trois ans que j'habite ici et je n'ai jamais eu l'occasion d'assister à la descente!
Parmi ces mystères que je n'éluciderai sans doute jamais, il en est un qui me semble encore plus insondable que les autres, c'est l'affection, voire la passion, que les Japonais vouent à ...Winnie l'ourson. Bon, c'est entendu, les Nippons aiment tout ce qui est "cute" et "kawai", ils adorent les animaux qui ont des caractéristiques humaines (je vous en ai déjà parlé) et ils ont donc accueilli Walt Disney à bras ouverts. Ils ont également créé quelques personnages de leur cru, comme la célébrissime Kitty chan (Hello Kitty), toute dégoulinante de rose à paillettes et de mièvrerie. Vous l'aurez compris, Kitty chan m'insupporte au plus haut point.
Comme dit une amie française qui vit ici depuis presque vingt ans, au Japon, on reste petit très longtemps. Rien d'étonnant à ce que l'employé de la banque vous tende un stylo Snoopy pour signer votre ouverture de compte, ou que l'agence de voyages vous remette vos billets dans une enveloppe à l'effigie de Marie des Aristochats.
Mais dans le cas de Winnie, cela tourne à l'obsession. Qu'il soit omniprésent sur les boîtes à bento, les couverts et les petites serviettes destinées aux enfants, je veux bien.
Idem pour la gourde que tout élève de l'école primaire porte autour du cou:
Mais est-il un domaine de la vie quotidienne au Japon où l'on soit à l'abri de l'envahissant plantigrade?
Visiblement pas dans la cuisine...
Pas plus que dans la salle de bain. Le coin couture peut-être?
Pas de chance, l'ourson bouton d'or squatte aussi les machines à coudre. C'en est trop, il faut prendre l'air.
L'ennui, c'est que les automobilistes aussi adorent Winnie:
A l'extérieur du véhicule...
Comme à l'intérieur...
Car ici, on peut donner à sa voiture le "total look" Winnie. Evidemment, dans ce cas, il vaut mieux ne pas être allergique aux acariens...
Je serais curieuse de savoir combien de peluches de Winnie l'ourson sont vendues par an au Japon, parce qu'on en retrouve dans les endroits les plus inattendus. L'autre jour, nous sommes allés à la mairie faire renouveler notre carte de séjour. Et là, au-dessus du comptoir, entre deux écriteaux vous demandant de prendre un ticket s'il vous plaît et de bien vouloir vous abstenir de fumer, trônait un énorme Winnie en peluche! Les éboueurs aussi sont très attachés à Winnie, qui décore souvent aussi bien leur planche de bord que l'arrière de leur benne à ordures.
Qu'on le veuille ou non, le petit ours rondouillard est incontournable au Japon. Moi non plus, je ne peux pas y échapper. La semaine dernière, j'ai donné mon cours de français hebdomadaire à mes trois charmantes élèves qui, je le précise, ont dépassé la cinquantaine, et elles m'ont remis l'argent du cours dans cette enveloppe...