S'il y avait une échelle de l'activité en scrap, ces derniers jours, je serais environ à - 250, à cause de ce bouquin:

 

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Le Sunday Times l'a qualifié de "unputdownable" (qu'on ne peut pas reposer, lâcher, pour un livre) et je confirme... J'en avais entendu parler pour la première fois sur le blog d'Ariana et je m'étais dit qu'il faudrait que je le lise et puis, comme le film qui en a été tiré va bientôt sortir, on en parlait de plus en plus. A Dublin, évidemment, je l'ai trouvé dans la première librairie dans laquelle je suis entrée puisqu'il y a des mois qu'il est dans les meilleures ventes. Jeudi soir, j'ai commis l'erreur de lire les deux ou trois premières pages, pour voir, et j'ai passé l'essentiel de mon temps libre dans les trois jours qui ont suivi à dévorer ce livre, ce qui ne m'était pas arrivé depuis un certain temps, même avec un polar (nordique ou pas). D'après ce que j'ai pu lire sur un certain nombre de blogs, je n'ai pas été la seule dans ce cas...

Le livre a été traduit en français et publié sous le titre "La couleur des sentiments", joli titre mais qui fait appel à un point de vue différent de celui du titre original. "The help", c'est la bonne, l'auxiliaire de maison, noire, qui vient travailler dans les bonnes familles blanches, pas forcément très riches de Jackson, Mississippi, six jours sur sept parce que le dimanche, elle va à l'église.

Beaucoup de justesse et de sensibilité dans ce premier roman de Kathryn Stockett. On pouffe, on s'étonne, on rit, on s'indigne, on a les larmes aux yeux. Elle évite l'écueil du misérabilisme et celui du manichéisme - à part avec Miss Hilly, mais c'est finalement "the girl you love to hate". L'auteure restitue brillamment l'ambivalence des sentiments, les hésitations, les craintes, les malentendus si prompts à s'installer et si difficiles à dissiper, les réticences, les émotions contradictoires des personnages. Ce sont des personnages qu'on quitte à regret lorsqu'on referme le livre, là aussi, avec des sentiments ambigüs car on a dévoré ce livre pour savoir ce qui allait se passer et une fois qu'on l'a terminé, on se rend compte que désormais, c'est fini, plus de pages à tourner!

A mon sens, le personnage de Minny est le plus abouti, plus encore que celui d'Aibileen, et en comparaison celui de Miss Skeeter est peut-être un peu terne. L'auteure aurait sans doute pu pousser plus avant et explorer certaines pistes et on s'interroge un peu au départ sur les motivations réelles de Skeeter, mais cela passe vite à l'arrière-plan. Des "seconds rôles" intéressants aussi, comme le personnage de Celia, qui m'a rappelé une certaine Annette rencontrée il y a quelques années, originaire non pas du Mississippi mais de Louisiane, et issue d'une de ces familles de "pauvres blancs" tout aussi méprisés par la "bonne" société blanche que les domestiques noirs. Pour moi, la description de la relation entre Celia et Minny, qui n'est pourtant qu'une intrigue secondaire est un des aspects les plus réussis du roman.

On pense bien sûr, quand on lit le livre, à "To Kill a Mockingbird" (Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur), qui est d'ailleurs cité plusieurs fois dans le roman... j'aime particulièrement le passage où Skeeter explique le stratagème auquel elle a recours pour commander des livres qui sont interdits à la vente dans l'état du Mississippi. "To Kill a Mockingbird" en fait partie, et elle le commande sans savoir de quoi il s'agit mais en se disant que s'il est interdit dans son état, c'est une bonne raison pour chercher à le lire...

J'ai lu le livre en anglais, si vous pouve le faire, préférez évidemment la version originale à la traduction. Certais esprits chagrins ont reproché à Kathryn Stockett d'avoir choisi l'anglais standard pour la "voix" de Skeeter et pas pour les autres. Je ne sais pas comment le traducteur a négocié cette difficulté. Faire parler Minny en anglais standard, ce serait un peu comme la trilogie de Pagnol avec l'accent parisien...

Si ce n'est pas déjà fait, lisez-le! Il fait un peu plus de 500 pages mais ça va très (trop) vite!