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scrapojapon
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7 mars 2008

En fait, c'était...

Eh bien, si certaines se sont un peu approchées, personne n'a vraiment trouvé la réponse. Pourtant, après avoir mis ce billet en ligne, je me suis dit que c'était vraiment trop évident et que vous alliez sans doute deviner rapidement, mais c'est parce que moi, j'ai aussi vu ce qui était présenté à côté des gobelets... Je vous entends déjà vous écrier "Evidemment!".

Mais d'abord, je voulais vous raconter une ou deux petites choses à propos de la poterie japonaise. La poterie est un art à part entière au Japon. Le pays a, dans le domaine de la poterie, une tradition qui remonte au moins au XIe siècle avant Jésus-Christ. Oui, vous avez bien lu, on a retrouvé récemment dans la région de Nagasaki des fragments de poterie qu'on a pu dater de 12 700 avant Jésus-Christ environ... Depuis cette époque, qu'on appelle la période Jomon, les Japonais n'ont cessé de raffiner leurs techniques et de les diversifier et la céramique japonaise est une des plus riches et des plus variées au monde. Un peu comme la cusine, la poterie japonaise a une histoire fascinante, marquée par les événements qui ont façonné le pays. Techniques de cuisson, composition de l'argile, style du potier, tout concourt à la production d'objets uniques et toujours différents.

Les spécialistes s'accordent à considérer qu'il existe six grandes régions de production au Japon, et par chance deux d'entre elles, Seto et Tokoname, se trouvent dans la préfecture d'Aïchi. Seto touche en fait Nagoya à l'est, et Tokoname se trouve à 35 minutes en voiture, en allant vers le sud. Seto compte encore pas mal de fabriques et possède de beaux magasins de céramique, mais la ville est assez insignifiante et les centres d'intérêt sont un peu éparpillés. Tokoname, en revanche, a su conserver un quartier artisanal plutôt séduisant, et la ville a aménagé un "chemin de la poterie" qui représente un agréable parcours entre les vieux fours, les galeries et les ateliers toujours en fonctionnement.

Ici, je dois préciser qu'un potier, au Japon, ce n'est pas un type baba cool qui élève des chèvres et vend des assiettes à la foire artisanale du coin. Un potier japonais, c'est un maître. Il est reconnu par la très officielle Association pour la promotion de l'artisanat traditionnel japonais, qui organise tous les ans des concours pour les 198 métiers d'art reconnus dans l'archipel. Les activités de l'association ne sont donc absolument pas limitées à la poterie. L'association fixe en fait cinq critères pour reconnaître une forme d'artisanat d'art: il doit s'agir d'un artisanat régional, qui utilise principalement des matériaux traditionnels pour fabriquer à la main, et selon des procédés traditionnels, des objets utilitaires. L'association décerne le titre de maître aux artisans les plus confirmés, qu'ils pratiquent la poterie, la marqueterie, le tissage ou tout autre métier d'art. Les plus prestigieux sont parés du titre de "trésor national vivant". L'association octroie des aides financières, attribue des labels aux produits et organise des expositions.

logo

Logo de l'association pour la promotion de l'artisanat traditionnel japonais

Elle procède aussi à des inspections pour s'assurer que ses membres respectent bien les règles édictées. Cela contribue au maintien d'une tradition artisanale vivace et de grande qualité au Japon. Les maîtres jouissent d'un immense respect. Au début de notre séjour ici, nous avons vu, à Tokyo, une exposition de céramiques dans la partie "galerie d'art" d'un grand magasin. Nous n'étions pas encore familiarisés avec la poterie japonaise et nous avons été sidérés de voir que le vase "pas mal" se vendait un million de yens (6500 euros) et que des amateurs éclairés déboursaient près de 1000 euros pour un bol de cérémonie du thé qui nous paraissait fait par un débutant ne maîtrisant pas encore bien son tour... A la fin du circuit, le maître, que je qualifierais volontiers de hiératique, pantalon et blouse de soie anthracite à col mao, cheveux blancs relevés en catogan, calligraphiait au pinceau son autographe sur le catalogue imprimé sur papier washi, que lui tendaient des connaisseurs éperdus de respect et d'admiration... Bon, tous les potiers ne sont pas comme ça, souvent même, les maîtres et les trésors nationaux vivants sont de petits papis qui n'ont l'air de rien...

Mais revenons à Tokoname, car c'est là qu'a été prise ma photo mystère. Tokoname est au sud de Nagoya, dans la péninsule de Chita, tout près de la mer. Ca ne vous dit rien? Par le passé, Tokoname a connu la prospérité grâce à un commerce de la poterie florissant, facilité par la proximité d'un port par lequel était exportée la production. En France, du moins d'après ce que j'ai vu sur l'internet, Tokoname est surtout connue par les amateurs de bonzaïs car les pots à bonzaïs produits dans la région semblent être considérés comme une référence en la matière. Au Japon, et chez les spécialistes de la céramique japonaise, Tokoname est connue pour le "shudei", les objets en terre rouge, qu'il s'agisse de grosses jarres ou de petites théières kyusu.

kyusu

Ces petites théières pour le thé vert, beaucoup plus courantes au Japon que les théières japonaises en fonte vendues en France (que pratiquement personne n'utilise ici!) sont pourvues d'un filtre placé à l'intérieur, à l'entrée du bec, et non d'un panier filtrant qui s'adapte sous le couvercle comme chez nous. Les kyusu ordinaires ont un filtre métallique, mais dans les plus belles kyusu de Tokoname, ce filtre très fin est en céramique, comme le reste de la théière.

Pour le décor, il existe une technique typique de Tokoname, qu'on appelle le mogake. Nous y voilà enfin! Je vous ai dit que Tokoname était située sur la côte, eh bien la technique du mogake consiste à appliquer des algues sur l'objet à cuire avant son passage au four. Lors de la cuisson, une réaction d'oxydation se produit entre le sel des algues et l'argile et les pigments se déposent à la surface de l'objet, en reproduisant le dessin de l'algue. Quand on voit cette photo, cela semble évident! 

mogake1

Ici, on voit mieux comment les algues sont placées, de façon très artisanale, sur le pot qui va passer au four.

mogake2

Si cela vous intéresse, vous pouvez aussi consulter cette page web en anglais, qui présente un des maîtres de Tokoname et contient quelques photos d'objets en mogake.

Si vous venez au Japon (ou si vous y êtes déjà), je vous engage vivement à visiter Tokoname, ou du moins à essayer de faire plus ample connaissance avec la poterie japonaise...

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Commentaires
O
Bien avant les âges destructeurs du bronze, du fer et de l'atome ... L'homme façonnait ardemment l'âge de terre ... Les potiers et autres céramistes sont des gens humbles, opiniâtres, et sages, héritiers de gestes plusieurs fois millénaires ... Ils portent sur le monde un regard hagard tant la frénésie humaine frôle le vide ... eux qui savent si bien en capturer l'âme en faisant naître sur le tour et de leurs mains agiles des poteries qui contiennent depuis la nuit des temps tout ce que le monde porte de plus précieux ... Il n'y a finalement rien d'étrange à voir la patrie de l'art Zen, le japon, donner à la poterie les lettres de noblesses d'un art considéré par eux comme MAJEUR ! <br /> Merci pour ce bel article ... et au plaisir.
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P
je n'y aurais vraiment pas pensé, mais merci pour le reportage.
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C
Encore un article passionnant. Tu n'as pas de photos de la fabrication des pots à bonsaïs par hasard ? Mon père est un grand amateur et ça l'aurait intéressé.<br /> Bise alsacienne.
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D
Alors je ne peux pas m'absenter 15 jours sans que le monde se disperse. Tu pars? et on se sent un peu orphelins de Japon. Mais un regard neuf sur Bruxelles (où j'ai croisé un jour une souris sympa ;-). Je suis sûre que tu vas y découvrir des trésors japonais que tu n'aurais jamais imaginés. Merci de ces petits bonheurs extrême orientaux que tu nous a distillés jours après jours.
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B
Merci pour cette leçon de choses...<br /> Donc c'est les algues mêmes qui colorent la céramique... Moi qui pensait que c'était du à la technique d'application du colorant....
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