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scrapojapon
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29 octobre 2007

Retour de weekend

Après un weekend bien rempli, je vous glisse un petit billet sur un sujet qui ne vous intéressera peut-être pas du tout, mais après tout, qui sait?

Quand nous sommes arrivés au Japon, nous avons cherché des endroits à visiter qui soient plus susceptibles de plaire à nos enfants que les temples et les sanctuaires. Nous nous sommes rendu compte qu'il existait, dans deux préfectures voisines, des villages "ninja". Jusque là, je n'avais entendu parler que des tortues ninja, que je croyais tout droit sorties de l'imagination féconde des créatifs des studios d'"anime", mais il n'en est rien. Les ninja ont réellement existé, dans le Japon féodal, et les deux principaux centres ninja à l'époque étaient Koga, dans la préfecture de Shiga et Iga dans la préfecture de Mie. Ces petites villes se situent à peu près à l'intérieur d'un triangle Kyoto, Osaka, Nagoya.

Qui étaient les ninja? Ce n'étaient pas des samourai, ni des seigneurs. Les ninja, experts en "ninjutsu" (l'art d'être furtif) étaient les espions de l'époque. Ils maîtrisaient de nombreuses techniques de combat et d'infiltration, alliées à une grande connaissance des explosifs et des plantes médicinales, et ils avaient également une hygiène de vie très particulière. Ils étaient en outre soumis à un entraînement physique et spirituel intensif. Les seigneurs faisaient appel aux ninja car, bien souvent, les missions qu'ils leur confiaient étaient contraires au code d'honneur des samourai. Pas question, pour un samourai, d'aller se cacher dans un faux plafond et de planter une dague dans le dos d'un rival en la faisant glisser par un interstice entre deux lames de parquet, car ce serait déchoir! En revanche, si un ninja pouvait s'en charger...

Les secrets des ninja, jalousement gardés, se transmettaient de génération en génération et ne sortaient pas des familles de ninja. Les seigneurs qui employaient les ninja n'avaient pas accès à leur savoir, ils savaient seulement où s'adresser lorsqu'ils avaient besoin de recruter des exécuteurs de basses oeuvres. Le musée d'Iga donne beaucoup d'explications sur le mode de fonctionnement des ninja et sur les multiples techniques qu'ils utilisaient.

ninja1

Voici la tenue ninja traditionnelle, sombre bien entendu, puisqu'il s'agissait souvent de se glisser nuitamment dans la chambre d'un seigneur pour l'expédier sans un bruit dans l'autre monde. Néanmoins, il fallait aussi parfois seulement espionner, écouter et rapporter les conversations, en tous les cas la discrétion était de mise. Les ninja étaient passés maîtres dans l'art du déguisement. Ils affectionnaient les tenues de mendiant, de colporteur, d'ermite ou de moine. Ces déguisements étaient poussés jusqu'à la perfection car les ninja allaient jusqu'à parfumer leurs vêtements avec l'odeur que le personnage dont ils avaient endossé le costume était censé répandre... Les ninja avaient une connaissance approfondie des explosifs, des herbes médicinales, de l'encens et de la pharmacopée traditionnelle. Ils pouvaient tout aussi bien empoisonner que soigner. Ils avaient aussi inventé des dispositifs adaptés à leur métier. A Iga, on peut voir un étonnant cylindre de bois qui, rempli de charbon actif, devenait un véritable "chauffage portatif" qu'on pouvait glisser sous les vêtements et qui restait chaud pendant douze heures, ainsi que des tubas en roseau pour respirer sous l'eau.

Les ninja avaient développé une foule de techniques et d'ustensiles qui leur permettaient de s'introduire à peu près partout:

ninja2

Grappins, échelles pliantes, coins à insérer dans les joints des pierres pour escalader les murailles verticales, même d'incroyables raquettes à fixer aux pieds pour pouvoir traverser les douves des châteaux.

ninja4

L'arsenal dont disposaient les ninja est également impressionnant. Compte tenu du type de missions qu'ils exécutaient, ils ne pouvaient pas vraiment s'encombrer d'armement lourd. Sabres courts, dagues courbes, et surtout, leur arme de prédilection, le shuriken:

ninja3

Il s'agit d'une pièce métallique plate, en forme de croix ou d'étoile, dont les pointes sont très acérées. Facile à cacher sous les vêtements, il est très facile de la lancer sur un adversaire et de le toucher avant qu'il ait dégainé son sabre.

Les maisons ninja valent également le détour... Truffées de portes secrètes, d'escaliers escamotables, de faux plafonds, de sorties dérobées et de trappes, elles regorgeaient de cachettes pour qui souhaitait y être en sécurité (les ninja) et de pièges pour ceux qu'on y attirait... Ce weekend à Koga, nous avons pu visiter une petite maison nija pourvue de deux escaliers dérobés et d'un faux plafond par lequel on pouvait parfaitement entendre et observer ce qui se passait à l'étage au-dessous. Les ninja avaient un entraînement spirituel qui leur permettaient de rester immobiles et silencieux pendant de longues heures, parfois sans manger.

Si vous avez lu "Le clan des Otori" de Lian Hearn, ce sont les ninja qui ont inspiré les membres de la "Tribu". Les pouvoirs qu'elle leur prête sont un peu exagérés, mais il faut savoir que les ninja aimaient à faire courir ce genre de bruits sur leur compte. On croyait qu'ils pouvaient se rendre invisibles ou endormir les gens en les regardant dans les yeux, et tout compte fait, ce genre de réputation servait leur cause. Une chose est sûre, les seigneurs craignaient tous qu'un rival ne leur envoie un ninja pour se débarrasser d'eux. Le fameux plancher rossignol décrit dans le premier tome du "Clan des Otori" est une réalité. On peut encore en voir - et en entendre - un au château de Kyoto aujourd'hui. Chaque lame est montée sur une petite patte en métal et on ne peut pas faire un pas dessus sans qu'il grince, ou qu'il chante, d'où son nom de plancher rossignol. Evidemment, dans le roman, Takeo parvient à passer dessus sans qu'il en sorte un seul bruit...

Si vous venez au Japon avec des enfants, le village ninja le plus intéressant à visiter est celui de Togakushi, dans la préfecture de Nagano. Son principal inconvénient est son éloignement et sa difficulté d'accès, une voiture est indispensable. Nagano n'est pourtant pas un centre historique de ninja comme Iga ou Koga, mais le village, en pleine forêt, offre beaucoup d'activités aux enfants.

ninja5_edited

A Iga, pas d'activités à part le lancer de shuriken, mais c'est l'endroit ou l'exposition est la plus intéressante et le seul où les explications soient aussi en anglais. A Koga, on peut visiter une intéressante maison ninja et pratiquer quelques activités, mais l'ensemble est tout de même un peu défraîchi. On peut aussi se déguiser, en totale contradiction avec les règles ninja d'ailleurs, car ainsi vêtu on ne passe pas inaperçu...

ninja6

Pour terminer, un petit détail sur notre ryokan de samedi... Pour la première fois, nous avons eu une chambre avec bain privé extérieur, c'est-à-dire que nous disposions, sur notre balcon, d'une baignoire-jacuzzi en cyprès dans laquelle nous pouvions nous prélasser tout en admirant le lac Biwa....

balc

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Commentaires
F
J'ai recherché ton post aujourd'hui pour te dire que récemment j'ai enfin concrétisé mon envie : hier soir j'ai "attaqué" avec bonheur le 2ème tome du clan des Otori.<br /> Mille mercis Pascale pour le tuyau. J'aime beaucoup tenter de comprendre cette culture tellement éloignée de la mienne et dans laquelle les codes sont tellement différents, ça m'intéresse beaucoup !
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F
Super intéressant !!! Merci Pascale pour cette page culturelle qui a ravivé mon envie de lire "le clan des Ottori" - moi aussi j'en étais restée aux tortues avant de te lire ici ;)
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L
Pascale, merciiiiiii pour ta longue explication, c'est vraiment riche d'enseignements ! Je me rends compte que tu n'es pas dans mes favoris.....quelle hérésie ! Je file t'y mettre car je manque trop de nombreux posts.<br /> Merci encore de nous livrer ton expérience, c'est toujours un régal.............pour te dire, ma prochaine expat'...s'il y en a une, j'aimerai que ce soit le Japon que je vis pour l'instant par procuration grâce à toi !<br /> Je t'embrasse bien fort
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V
Confidence pour confidence,j'ai lu ton post à mes garçons qui ont adoré cette histoire, comme dans un livre !!! Tristan connaissait déjà beaucoup de choses grâce à ses lectures et était ravie de savoir que c'était vrai !!! et Théo était bouche bêe. Quant à moi, j'ai rêvé devant ce jaccuzi en bois...super
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D
le plancher du rossignol chante vraiment, je l'ai entendu au début du mois d'octobre... et le Japon m'a entousiasmée, depuis mon retour lundi dernier, je fais des économies pour y retourner très vite.Merci pour ce blog passionant et très instructif. Est ce que je peux poser une question? j'ai ramené du papier Washi car je suis une fana d'origamis. Est ce que tu saurais où je peux trouver des modèles de poupées japonaises du genre marques pages, à plat donc.merci je retourne voir les autres pages.
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