Huit heures
Rien sur ce blog samedi et dimanche, pour cause de week-end au ryokan, comme je vous l'ai déjà annoncé. Cependant, je penserai bien à vous. Ainsi, dimanche matin très tôt, vous passerez à l'heure d'hiver. Ici, rien ne changera car le Japon ne "change pas d'heure d'hiver", comme disait le regretté Manu Thoreau (désolée, cette "private joke" n'est accessible qu'aux Belges de naissance ou d'adoption et amateurs de Faux contact). Donc, disais-je, les Japonais ne changent jamais d'heure, ce qui est bien dommage car, en été, on s'accommoderait bien d'une heure de jour supplémentaire au lieu de voir tomber la nuit à 19 h 45... Il paraît qu'une tentative a eu lieu il y a quelques années, mais comme les gens ont pris l'habitude de rester au bureau jusqu'à la nuit tombée, ils restaient encore plus tard, les entreprises devaient payer encore plus d'heures supplémentaires et finalement cela ne changeait absolument rien au bilan énergétique...
Enfin, bref, lundi matin, il ne sera encore que minuit en France quand les petits écoliers japonais se mettront en route pour l'école, à huit heures du matin. Ce n'est pas pour rien que c'est le pays du Soleil levant, ici.
Ici, quasiment tous les élèves de primaire vont à l'école à pied. La grande majorité fréquente l'école du quartier, et il est rarissime que les parents déposent les enfants en voiture. Les abords des écoles ne sont donc absolument pas embouteillés. En revanche, les trottoirs, si!
Au Japon, les cartables ne sont pas normalisés, mais presque... En tout cas, c'est rouge pour les filles, et noir pour les garçons. Les élèves de première année portent un petit bob jaune vif afin qu'on les repère, notamment lorsqu'ils marchent dans la rue. Il y a beaucoup de petites rues au Japon où il n'y a pas de trottoir, et les petits de première année ne sont pas bien grands!
Les enfants partent à l'école bien équipés: outre le cartable, auquel sont suspendus divers colifichets et le sac en tissu contenant la bento, ils ont aussi une gourde autour du cou, un parapluie si le temps est menaçant, parfois un autre sac, voire aux beaux jours un filet à papillons!
Mais n'est-ce pas dangereux pour ces enfants de partir seuls à l'école, surtout si jeunes? En fait, tous les matins, de vastes opérations de "ramassage à pied" se mettent en place de Hokkaido à Okinawa. Les enfants d'un même immeuble se regroupent, ceux d'un même pâté de maisons se retrouvent, et le groupe prend le chemin de l'école, les benjamins sous la conduite des plus grands. Les enfants que je vois le matin sont toujours par trois ou quatre, parfois beaucoup plus.
En outre, les parents sont mis à contribution. A tous les grands carrefours, passages à niveaux, intersections est posté un volontaire muni d'un drapeau, qui arrête tour à tour les voitures ou les enfants.
Ici, la dame va faire stopper les enfants avant le carrefour. Sur le drapeau, côté automobilistes, il y a écrit "merci".
Et là, elle les fait traverser. Je prends le même chemin tous les matins et je ne vois jamais les mêmes personnes. J'imagine que, vu le nombre de parents, le tour de garde ne revient finalement pas très souvent. Je vois très rarement des papas, mais il y a aussi des grands-parents qui donnent un petit coup de main à l'occasion. Si vraiment personne n'est disponible, apparemment le relais est pris par un agent de police du koban local, mais c'est très rare. Finalement, cela ne demande que vingt minutes de présence, entre 7h30 et 8h15, selon l'endroit où on est placé (l'école commence à 8h15, donc si on est posté à un quart d'heure de l'école, on a fini dès 8 heures). Je vois parfois des mamans en tailleur et chaussures à talons qui font la circulation, leur sac posé dans un coin, elles doivent sans doute filer au bureau ensuite....
Ici, c'est une traversée de passage à niveau, ils sont très fréquents au Japon, même en pleine ville.
Attention, tout n'est pas idyllique non plus. La pression sociale est extrêment forte ici, et il est quasiment inconcevable de refuser, à moins d'avoir une très bonne raison, de faire ce genre de travail bénévole. Un Japonais, de toute façon, est incapable d'opposer un refus à une demande de ce type, même s'il n'a aucune envie de faire ce qui lui est demandé. Dans ce cas-là, il dit quelque chose comme "Oh, je suis très intéressé..." en espérant noyer le poisson. J'ai une amie japonaise qui a l'esprit plutôt indépendant, elle n'a aucune attirance pour ces activités en groupe très fréquentes dans les quartiers (groupe de mamans d'enfants de moins de deux ans qui vont au parc, groupe de conversation anglaise pour les petits, groupe de jeu pour les 3/5 ans, etc.), mais elle serait incapable de dire non si on venait sonner à sa porte pour lui demander de faire partie du groupe. Alors, elle envoie son mari occidental répondre à chaque fois qu'on sonne, car lui au moins est crédible s'il fait mine de ne pas comprendre le japonais...