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scrapojapon
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1 avril 2007

Après la coupure...

L'idée, pendant cette semaine de vacances, était de découvrir des coins du Japon que nous n'avions pas encore visités, en quelque sorte d'approfondir notre expérience japonaise. Nous ne croyions pas si bien dire... notre expérience japonaise n'était, jusqu'ici, pas tout à fait complète.

Après une étape en montagne dans le joli village de Shirakawa et ses maisons aux toits de chaume (on se remémore son cours de géographie de terminale, le Japon, Chapitre I, Un relief difficile, pour se rendre de Nagoya, sur la côte Pacifique, à Kanazawa, sur la mer du Japon, il faut traverser la montagne qui coupe le pays en deux)

shirakawa

nous arrivons en fin de journée à Kanazawa, ville située sur la mer du Japon, célèbre pour ses quartiers historiques où subsistent quelques belles maisons de samouraïs et de geishas, ainsi que pour le Kenrokuen, un des trois plus beaux jardins du Japon. Le lendemain dimanche, malheureusement, c'est sous une pluie battante que commence notre visite. Du coup, nous commençons par le quartier samouraï, pour pouvoir au moins faire des visites à l'abri des intempéries. Nous sommes en train d'admirer la maison Nomura, et plus particulièrement son jardin,

nomura

quand toute la maison se met à vibrer et à trembler. Le temps d'appeler les enfants, de se demander s'il vaut mieux rester à l'intérieur ou sortir (les consignes sont de se mettre sous une table, mais allez donc trouver une table dans une maison japonaise du 17e siècle!), c'est déjà fini. Rien n'a bougé, les visiteurs continuent leur parcours, une employée passe dans la maison en souriant "Jishin, ne!" (Un tremblement de terre, n'est-ce pas) et c'est tout. Comme chacun sait, on enregistre tous les jours plusieurs tremblements de terre au Japon, mais à des endroits différents et la plupart d'une intensité tellement faible qu'on ne les ressent pas. Le plus fort que nous ayons connu a eu lieu quatre ou cinq jours après notre arrivée dans le pays (ça commençait fort!) et nous nous trouvions au 25 e étage d'une tour, c'était très impressionnant, non pas parce que la tour a un peu vibré  mais parce qu'elle a grincé pendant au moins cinq minutes après! Depuis, nous avons vécu 3 ou 4 petites secousses qui ne nous ont pas effrayés, à chaque fois je me dis seulement que j'aurais vraiment mieux fait de laisser mon service de table en porcelaine en garde-meubles, mais dix minutes après, on n'y pense plus. Même chose à Kanazawa, après la maison Nomura, nous continuons à nous promener dans le quartier et nous nous dirigeons vers le fameux Kenrokuen. Il ne pleut presque plus mais c'est quand même bien humide et le ciel est très couvert. La réputation du jardin est justifiée, même par temps maussade il est très beau, c'est dire combien il doit être magnifique sous le soleil. Le temps de faire quelques photos pluvieuses

kenrokuen

et nous repartons.

Notre destination est la petite ville de Wajima, sur la péninsule de Noto, au nord de Kanazawa. Cette péninsule est encore assez sauvage, surtout au nord, les côtes sont paraît-il encore très belles et il y a de jolis villages de pêcheurs. Le ciel s'éclaircit, ça tombe bien. Nous prenons la voie express qui monte vers le Nord, en prévoyant de la quitter quand nous serons assez haut pour rattraper une route côtière qui longe la mer. Après avoir passé quelques sorties, nous remarquons un panneau clignotant et je reconnais les kanji qui signifient "désastre" et "arrêt". Le plus incroyable, c'est que nous ne réagissons pas, même après avoir doublé un convoi de la Croix rouge japonaise. Finalement, nous atteignons l'endroit où nous voulions sortir, mais nous n'aurions pas pu continuer, la route est fermée par la police. Bon, comme de toute façon c'est là que nous devions sortir, nous poursuivons notre route.

Après avoir un moment admiré les paysages, nous remarquons qu'il y a décidément beaucoup d'hélicoptères dans le ciel, qui vont dans la même direction que nous. En dehors de ça, il ne se passe absolument rien d'anormal. Et de nouveau, la route sur laquelle nous sommes est coupée. Nous pouvons continuer sur une autre, qui nous mènera aussi à Wajima, mais là, quand même, nous remarquons qu'il y a aussi beaucoup de camions de télévision sur cette route, donc finalement nous nous arrêtons pour regarder la télé. Au Japon, quasiment toutes les voitures sont équipées d'un système de navigation qui fait aussi récepteur de télé quand la voiture est à l'arrêt. Il y a un système de verrouillage couplé au frein à main qui doit être relativement facile à désactiver (c'est strictement interdit) vu le nombre de gens qui roulent avec un match de base ball ou un jeu télévisé sur leur écran...  Enfin, nous, nous sommes arrêtés, et à la télé nous voyons que la secousse de ce matin faisait 7,1 sur l'échelle de Richter et que l'épicentre est tout près de Wajima, où nous avions réservé pour cette nuit! Que faire? Nous tentons d'appeler l'hôtel, mais nous n'obtenons que la version japonaise de "Par suite d'encombrements, votre appel ne peut aboutir". Revenir à Kanazawa, avec toutes les routes qui sont fermées? Nous avons déjà eu du mal à y trouver un hôtel quand nous avons réservé il y a une dizaine de jours, est-ce que nous trouverons à nous loger, surtout en arrivant à sept heures du soir? Tant pis, nous continuons sur Wajima dont nous ne sommes pas très éloignés, il n'y a aucune autre ville de taille assez importante pour avoir un hôtel dans les environs. Tout doucement, la situation change. Dans les villages où nous passons, beaucoup de tuiles ont dégringolé des toits, des petits murets se sont écroulés. Pas d'affolement, cependant. Des gens, les mains dans le dos, considèrent gravement leur toit dont la moitié des tuiles sont tombées, d'autres remplissent des brouettes de morceaux de tuiles qu'ils viennent de ramasser. En plus, c'est une région où toutes les maisons ont de magnifiques toits de tuiles traditionnelles noires vernies, alors qu'ailleurs les toits sont recouverts de tôle, de tuiles plates ou de matériaux synthétiques.

toit

De plus en plus de voitures sont arrêtées sur le bas côté, les gens sont au téléphone (je me demande bien comment ils réussissent à passer outre les "encombrements", nous, aucun de nos trois portables ne nous permet de joindre l'hôtel!). Plus nous avançons, plus les dégâts sont visibles, nous voyons un premier bâtiment effondré, la route est fissurée, déjà des équipes sont au travail pour combler des fissures. Mon mari a les réflexes d'urgence: d'abord compléter le plein d'essence, et puis acheter de l'eau. A la station service, nous demandons à l'employé si nous pouvons atteindre Wajima par cette route. Oui, ça devrait aller, dit-il, faites attention, elle a pas mal bougé par endroits... Un peu plus loin, nous nous arrêtons devant des magasins fermés, mais avec des distributeurs de boissons à l'extérieur. Il n'y a plus d'eau, mais nous pouvons acheter du thé et des boissons vitaminées. Alors que nous sommes devant le distributeur, nous ressentons un soubresaut, juste sous nos pieds, comme si quelque chose sous la terre avait donné un fort coup de poing. Nous reprenons la route, passons devant un convenience store (ces magasins sont ouverts 24h sur 24 et 7 jours sur 7) mais celui-là est fermé, mon fils n'en revient pas. Il y en a un autre à quelques kilomètres de là, ouvert. Plus d'eau là non plus, mais nous prenons encore du thé et des biscuits secs. Agenouillée sur le sol près d'un bac contenant des paquets de chewing gum vraisemblablement tombés de l'étalage pendant le séisme, une jeune employée essuie consciencieusement les paquets un par un avec une lingette avant de les remettre en rayon... Il n'y plus de plats tout prêts dans la vitrine réfrigérée, mais les clients n'ont pas l'air de paniquer. Nous voici dans les faubourgs de Wajima, il y a plusieurs voitures arrêtées sur le bord de la route, ces gens font la queue pour aller chercher de l'eau, ce qui signifie que les canalisations ont dû sauter là où ils habitent. Il y a des bâtiments effondrés, d'autres qui penchent à un angle anormal, mais ce sont des cas isolés, la grande majorité des constructions sont toujours debout.

wajima1

Nous voici enfin à l'hôtel. Le propriétaire est désolé, il ne peut pas nous loger ce soir, il n'y a plus d'eau. Il nous conduit au seul grand hôtel du coin, un édifice de béton de 8 ou 9 étages au bord de la mer (alors que nous nous étions réservé une auberge traditionnelle), à la réception on nous dit qu'on peut nous donner une chambre et nous faire dîner mais que pour les toilettes et le bain, ce n'est pas sûr que ça fonctionne. Tant pis, on ne va pas reprendre la route maintenant, d'autant plus que nous ne pensons pas être plus en sécurité sur une route que dans un bâtiment, car nous avons vu des fissures impressionnantes en venant. Nous attendons dans le hall qu'on vienne nous accompagner à la chambre et... nouvelle secousse. Toujours pas de table pour se mettre dessous, l'horrible luminaire à lamelles métalliques, genre qui faisait moderne dans les années 80 se met à cliqueter au dessus de nos têtes. Deux des jeunes employées ont l'air aussi paniquées que moi, deux hommes assis à une table (trop basse!) continuent sans broncher à examiner des documents. Le chef de réception se rue vers les ascenseurs pour voir si personne n'est coincé dedans. Une minute après, tout est rentré dans l'ordre. On nous conduit à notre chambre ....7e étage. Dans ces circonstances, je préférerais être plus près du sol, pourtant, me fait observer mon mari, si ce bâtiment s'écroule, on a plus de chances d'en réchapper en étant à un étage élevé qu'au rez de chaussée ou au premier qui seront aplatis par l'effondrement des étages supérieurs. Sans doute... La femme de chambre nous montre la porte de l'escalier de secours, au bout du couloir, juste à côté de notre chambre. Une fois installés, nous allumons la télé, et à 19 h aux infos de la NHK, on nous montre...l'hôtel où nous sommes. Apparemment, la secousse du matin a fait éclater des canalisations dans les plafonds et le hall était plein d'eau... Nous nous rendons au restaurant pour le dîner. Je n'ai pas vraiment faim, mais finalement on se détend un peu. La propriétaire de l'hôtel fait le tour des tables et vient s'excuser pour les désagréments causés par le tremblement de terre... Ensuite, nous allons aux bains. La culture du bain est très importante au Japon. Les Japonais adorent les bains dans les sources thermales, et dans tous les hôtels, même si les chambres ont leur propre salle de bains, il y a aussi de grands bains communs, séparés pour les hommes et les femmes. Ma fille et moi sourions en entrant dans le bain extérieur, sur la terrasse car un écriteau, en japonais et en anglais, nous informe que cet endroit est pourvu d'une installation d'évacuation en cas d'urgence. Il fait nuit noire et il doit faire 5 degrés dehors (les bains sont au minimum à 40- 42°), nous nous imaginons bien descendre l'escalier de secours dans le plus simple appareil... Inutile de dire que je n'ai pas beaucoup dormi, j'ai fait dormir tout le monde avec son manteau et un petit sac contenant les effets les plus importants à portée de main. Mais il n'y a pas eu de nouvelle secousse (sensible) pendant la nuit, juste une à 7h 15 du matin pour nous faire lever et habiller en vitesse.

Un petit tour dans Wajima avant de partir. La ville est renommée pour la fabrication de la laque, mais la plupart des magasins sont fermés. Dans la rue principale, les équipes de télévision interviewent les commerçants

wajimaTV

Les maisons sont debout, mais il y a beaucoup de dégâts à l'intérieur, il vaut mieux être marchand de chaussures que de sake dans ces circonstances... Partout, on entend le bruit des balais qui rassemblent les morceaux de verre, dans les magasins de laque aussi les dégâts sont considérables, les pièces qui sont tombées ne sont pas cassées mais ébréchées et donc invendables. Certaines maisons anciennes se sont effondrées de manière impressionnante:

wajima3

Celle-ci s'est effondrée sur sa base, c'est l'avant-toit du rez de chaussée qui se trouve à présent sur le trottoir. Et toujours, un grand calme. Il y a pas mal de gens qui patrouillent dans les rues pour vérifier le gaz, l'eau, les câbles électriques, la stabilité des bâtiments, mais tout se fait dans la bonne humeur et avec le sourire. Nous allons reprendre la route car malheureusement nous ne pourrons pas profiter aujourd'hui de ce que Wajima avait à offrir. Quelques kilomètres après Wajima, nous sommes à nouveau déviés. Nous essayons une toute petite route, mais voilà ce que nous trouvons:

route

Ce n'est donc pas par là que nous passerons... La suite demain, car ça devient très long...

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Commentaires
E
quelle histoire.....!!!<br /> mais que faire face à dame nature........!!<br /> la bise de mon île!
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S
Trop fatiguée pour lire tout hier soir, j'y suis revenue aujourd'hui. Ton reportage correspond très exactement à l'idée que je me fais de la mentalité du Japon, même si j'imagine qu'elle doit être ébranlée aujourd'hui vu la gravité de la situation. Je pense beaucoup à ce pays, et à la Lybie (car si nous ne pouvons rien ou presque face aux forces de la Nature, il n'en est pas de même face à celles d'un dictateur, pour qui ces événements au bout du monde sont une diversion profitable)
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P
je n'avais pas lu ce billet auparavant, c'est une expérience que je n'aimerais pas vivre, les Japonais même s'ils y sont habitués doivent craindre le pire à chaque secousse et aujourd'hui ce qu'ils vivent est catastrophique. N'y a-t-il pas une sorte de fatalisme chez eux?
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A
Bien contente que tu ailles bien, moi aussi comme Alinor je venais de finir le Japon avec mes 3e (et là aussi on parle des contraintes du territoire) et du coup on a fait un point actu...je trouve que tu es restée super zen car moi j'aurais paniquée de suite comme une malade !!<br /> bon courage<br /> bises<br /> audrey
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A
Oui moi aussi j'avais entendu parler de ce tremblement de terre, juste quelques jours apres avoir abordé le theme des nombreux seismes au Japon (cour de terminal de geo comme tu dis ^^).<br /> Je ne sais pas si moi je serai capable d'autant de calme..enfin je suppose que les japonais ont l'habitude a force, et sans doute sont-ils plus optimistes que moi ^^<br /> Quant aux premieres photos que tu nous a montré, elles sont superbes, je trouve le cadrage parfait ^^ et ces paysages sublimes.
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